Haie, bande fleurie, bordure de champ… Quelques actions inspirantes pour réinventer une agriculture respectueuse de la biodiversité

En vidéo, retrouvez ici l’essentiel de la 1ère « Rencontre Homme Nature ». Cette rencontre-débat, organisée par le pôle Nature de la Fondation François Sommer, s’est tenue mercredi 12 avril 2023 à l’auditorium de la Fondation, en présence de 80 personnes.

Table des matières

Vous n’avez pas pu venir à la 1ère rencontre Homme Nature ? Pas de soucis ! (Re)découvrez ici l’essentiel en rediffusion. Cette rencontre-débat portait sur une thématique d’avenir : « Haies, bandes fleuries, bordures de champs… Réinventer l’agriculture pour protéger la biodiversité », en présence de :

  • Antoine Gardarin, enseignant-chercheur en agronomie et agroécologie à l’INRAE Palaiseau, spécialiste des bandes fleuries.
  • Chloé Swiderski, ingénieure agriculture et biodiversité pour l’association Hommes et Territoires, spécialiste des bordures de champs.
  • Nicolas Harter, directeur de l’association ReNArd et naturaliste.
  • Thierry de l’Escaille, secrétaire général d’European Landowner’s Organization (ELO).
Une rencontre-débat animée par Eric de La Chesnais, journaliste au Figaro, spécialiste de l’agriculture, exploitant en Mayenne et co-auteur du livre « Agriculture : les raisons d’un désespoir » (éditions Plon).

En raison de l’exploitation intensive, l’agrandissement des parcelles agricoles, la disparition des habitats et des haies ou encore la pollution par les pesticides, l’érosion mondiale de la biodiversité est aujourd’hui une réalité. Les progrès de l’après-guerre et le besoin de nourrir les populations ont conduit à ce modèle d’agriculture plus productiviste. Cependant, de la réglementation sanitaire à l’interdiction d’usage de certaines molécules de synthèse en passant par l’apparition de résistances chez certains ravageurs et l’épuisement des sols, ce modèle montre aujourd’hui ses limites.

Existe-t-il des solutions et des bonnes pratiques à mettre en place pour réinventer une agriculture respectueuse de la biodiversité, capable de nourrir une population à plus de 80% urbaine en France ? Depuis les années 1990, la communauté scientifique y travaille. Comment les chercheurs et les agriculteurs peuvent-ils collaborer en ce sens ?

1 - Des bordures de champs diversifiées ? Un refuge pour la biodiversité !

Comme le montre le visuel ci-dessous, les bordures de champs sont des zones herbacées spontanées, à l’interface d’un champ cultivé et d’un autre milieu (route, chemin…). Tantôt riches en herbes (graminées), tantôt riches en fleurs, elles comportent parfois des « adventices ». C’est-à-dire, des plantes qui poussent dans un champ cultivé, sans avoir été intentionnellement plantées par l’agriculteur. Par exemple, le chiendent.

« Ces bordures accueillent la biodiversité et apportent de nombreux services agronomiques et écologiques. Elles ne sont pas seulement une perte de surface et un réservoir à ravageurs », a rappelé d’emblée Chloé Swiderski. Ces zones sont un refuge pour les insectes (entomofaune), les pollinisateurs, les auxiliaires de cultures – ces organismes qui luttent contre les ravageurs -, mais également les oiseaux et la petite faune de plaine (lièvres, lapins…).

Qu'est-ce qu'une bordure de champs ?

Sur près de huit territoires dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Grand Est et Pays de la Loire, le programme Agrifaune et ses partenaires ont accompagné la gestion et le semis de plus de 100 km de bordures de champs. « Nous mélangeons des espèces de graminée et de dicotylédone, des plantes vivaces aussi. L’objectif est que ce semi complexe puisse s’implanter sur tous les sols (limoneux, argileux..) en fonction des conditions climatiques », a-t-elle dit.

2 - Des naturalistes, des agriculteurs et… un diagnostic de la biodiversité

Pour agir, il faut que naturalistes et agriculteurs se rencontrent. C’est tout le travail de Nicolas Harter, président de l’association Regroupement des Naturalistes Ardennais (ReNArd) : « Avec le soutien de la Fondation François Sommer, nous avons monté un programme pour réaliser des diagnostics de biodiversité chez les agriculteurs volontaires ».

De 2018 à 2021, l’association a suivi près de 30 exploitations aux profils variés : intensives, en agriculture biologique ou de conservation des sols. Au programme, un diagnostic de chaque territoire. Quelle biodiversité présente ? Quel état de la faune et de la flore ? Quels points forts ? Quels points faibles ?

Puis, pour ceux qui voulaient aller plus loin (21 agriculteurs), l’association a proposé des actions concrètes et des aménagements. « De l’installation de bandes fleuries et de haies défensives pour les arboriculteurs et maraichers, de la restauration de mares pour des éleveurs bovins et ovins pour qui le manque d’eau l’été est une vraie problématique », a listé Nicolas Harter lors de cette conférence.

3 - La bande fleurie : bénéfique mais insuffisante

La bande fleurie est un autre outil pour faire revenir la biodiversité sur les bords des champs. Face à la gestion agricole intensive et à l’introduction d’azote, elle permet de nourrir les organismes, les insectes et créer des lieux de vie. « Aujourd’hui, on peut parcourir des kilomètres sur les bords de champs sans rencontrer des plantes à fleurs. Or sans elles, plus de ressource pour les insectes ! Dans les fleurs, il y a du nectar, c’est de l’énergie pour eux, pour vivre et se reproduire. Leur pollen est riche en protéines : une source essentielle d’alimentation. Et sans insectes, il n’y a pas d’oiseaux ! » explique Antoine Gardarin, enseignant-chercheur en agronomie et agroécologie à l’INRAE Palaiseau. 

Pour ce chercheur, la bande fleurie doit être « multifonctionnelle ». C’est-à-dire, favorable autant aux mammifères qu’aux pollinisateurs, à la nidification des oiseaux qu’aux riverains (esthétisme). Ici encore, tout passe par la diversité : variété des fleurs plantées, présence d’une flore locale et vivace, etc.

Mais ce sont de petits effets, tempère-t-il. « On constate une meilleure régulation des ravageurs sur les parcelles avec bandes fleuries qui ne permettent pas pour autant d’éviter les pesticides. Pour plus d’efficacité, il faudrait en mettre tous les 50 mètres. Face aux exigences de rendement de l’agriculteur et à la taille des exploitations, ce n’est pas la bande fleurie qui va tout résoudre ».

4 - Les subventions publiques, un levier pour agir

Pour Thierry de L’Escaille, la question des subventions publiques est essentielle pour agir en matière de biodiversité. « Aux Pays-Bas par exemple, dans les zones sensibles, les aides publiques permettent aux agriculteurs de percevoir une indemnité compensatoire pour la perte de valeur agricole d’un terrain qui devient à destination naturelle ».

Le secrétaire général d’ELO cite, chiffres à l’appui, une aide de 77 000 euros par hectare en moyenne à laquelle s’ajoute une aide de 25 000 euros par hectare pour les travaux de réaffectation. Par exemple, pour réaliser une zone humide, recréer des méandres ou encore développer des pâtures naturalisées. Autrement dit, les agriculteurs ont la possibilité de considérer la biodiversité comme une richesse supplémentaire sur les terrains les plus adéquats.

Autre exemple : dans les Flandres, le boisement de terres pauvres peut être compensé à hauteur de 25 000 euros/ha de subsides publiques ou 57 000 euros/ha dans le cadre de contrats compensatoires avec l’industrie (émissions liées à la bétonisation, perte de biodiversité, etc.). Les jachères de faunes sauvages ou pâtures favorables à la biodiversité sont aussi financées entre 1500 et 2250 euros par hectare en fonction de la mesure choisie. En résumé, les activités liées à la biodiversité sont financées. Ce qui n’est pas le cas en France, du moins dans ces proportions.

Outre-Atlantique enfin, au Brésil ou aux Etats-Unis, loin des idées reçues, les exploitants doivent inscrire dans leur exploitation agricole une part pour la biodiversité. Sans quoi ils ne bénéficient pas des aides publiques. « Les agriculteurs américains doivent mettre en place des refuges pour les insectes par exemple, avec des zones non pulvérisées, entre 3 et 5% de leurs terres », a-t-il évoqué en citant aussi les marais conservés.

Les prochaines rencontres Homme Nature : à vos agendas !

31 Mai 2023 – sur « Les voix de la nature : comment la bioacoustique révèle la sophistication des communications animales »  avec Nicolas Mathevon, professeur des universités à l’Université de Saint-Etienne, spécialiste du langage des animaux et lauréat du Prix Scientifique Homme Nature François Sommer 2022. Inscrivezvous ici.

28 septembre 2023 – sur l’histoire de la protection des oiseaux. Une rencontre-débat organisée avec la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) et l’Association pour l’Histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement, dans le cadre du colloque « Défendre la nature », marquant les 100 ans du 1er Congrès international pour la protection de la nature (Paris, 1923). Aurélie Luneau, journaliste à France Culture, animera les échanges entre Pierre-Yves Henri, professeur au Musée national d’Histoire naturelle, Jean Jalbert, directeur général de l’institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes la Tour du Valat et Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de l’environnement à l’université de Paris.

Novembre 2023 – sur « Le sanglier, brandon de discorde dans nos campagnes ». Quel dialogue possible entre les citoyens, acteurs publics, associatifs, chasseurs sur la question du sanglier ? Comment mieux comprendre sa densité en hausse ? Une rencontre-débat au cœur de l’actualité environnementale et rurale. Plus d’informations à venir…

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