Webinaire sur l’équilibre forêt-gibier : 10 recommandations pour une forêt en bonne santé

Le 9 février 2023, le comité des forêts a organisé un webinaire sur la thématique de l’équilibre entre forêt et grands ongulés (cerfs, chevreuils, sangliers…), programme suivi par un peu plus de 1300 personnes. Sont intervenus l’Ecole et Domaine de Belval de la Fondation François Sommer, l’Office National des Forêts (ONF), le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF) et le Domaine du Bois Landry. Retrouvez ici la vidéo et les dix points-clés pour agir.

1 - En chiffres, accepter la réalité du déséquilibre forêt-gibier

Ce webinaire était là pour le rappeler. Quoi que l’on pense de la chasse, que l’on soit pour ou contre, trop de grands ongulés nuit à la santé des forêts ! Aujourd’hui, plus de 50% des forêts domaniales, gérées par l’ONF et appartenant à l’Etat, sont en situation de déséquilibre forêt-ongulés.

Quelques chiffres expliquent cette situation… Entre 1973 et 2019, les populations de sanglier ont été multipliées par 20, celles des cerfs et des chevreuils par 11 (sources : réseau Ongulés sauvages OFB-FNC-FDC et mission parlementaire sur la régulation du grand gibier d’Alain Péréa et Jean-Noël Cardoux). Conséquence ? Ces animaux sauvages – sont aujourd’hui en surpopulation dans de nombreuses forêts.

« Pour avoir une forêt qui pousse de manière durable, sans artifices ni plantations dans un contexte de réchauffement climatique, il faut un équilibre entre ces grands ongulés et la forêt, il faut une chasse durable. »
Pierre Brossier
ingénieur environnement au CNPF.

2 – Comprendre la nécessité de rétablir cet équilibre forêt-gibier

En surnombre, les grands ongulés consomment des jeunes arbres et les semis, compromettant la croissance et le renouvellement de la forêt. Les propriétaires forestiers publics et privés doivent chercher des solutions pour rétablir cet équilibre. Une forte densité de cerfs, sangliers et/ou chevreuils a d’autres effets négatifs :
  • fragilisation de la santé des animaux sauvages ayant plus de mal à se nourrir en forêt.
  • Baisse de la diversité des essences forestières, pourtant essentielle à la résilience des forêts face au changement climatique.
  • Sans oublier d’autres risques : collisions avec des voitures, maladies liées aux tiques et autres zoonoses ou encore dégâts agricoles.

Entre incendies, dépérissements, scolytes, chalarose, stress hydrique, les forêts souffrent du changement climatique. Il faut replanter autant pour notre oxygène que pour nos emplois ruraux. Il s’agit d’un enjeu public : dans le cadre du plan France Relance 2030, l’Etat a investi en ce sens 300 millions d’euros en 2021 et 500 supplémentaires en 2022. Le saviez-vous ? Bûcherons, scieurs, charpentiers, menuisiers… La forêt fait vivre en France plus de 400 000 personnes, selon France Bois Forêt.

Or, aujourd’hui, les forestiers doivent souvent engrillager les plantations pour les protéger des grands ongulés. Ceci entraîne un surcoût pouvant aller jusqu’à 60% sur une plantation, selon l’ONF. Sans équilibre, il faut engrillager.

Ce qu'il faut retenir de ce webinaire sur l'équilibre forêt-gibier...

3 - Réunir tous les acteurs de la forêt autour de la table

Pour agir, les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels doivent réunir autour de la table forestiers, chasseurs, experts, naturalistes… Objectif ? Etablir un diagnostic de la situation. Un exemple évoqué lors de ce webinaire : la forêt domaniale d’Ecouves. Cette forêt publique et privée de 12 000 hectares au total, gérée par l’ONF (8200 hectares de forêt domaniale) et ses partenaires privés, a mis en place un comité de pilotage. « Ce comité évalue les populations de cerfs avec la Fédération régionale des chasseurs, les associations de chasse, les divers représentants locaux », explique Florian Lemaire, responsable travaux et chasse à l’agence ONF d’Alençon.

 

Forêt domaniale d'Ecouves.

Forêt domaniale d’Ecouves. Crédit photo : Félix Vigne / ONF.

4 - Observer le terrain, établir un premier diagnostic

 « Il faut observer la forêt et la faune, dresser un état des lieux et repérer les signes avant-coureurs d’un tel déséquilibre », a témoigné David Pierrard, responsable de l’Ecole et du Domaine de Belval lors du webinaire. La principale difficulté ? Il est impossible de connaître le nombre exact d’animaux sauvages en forêt ainsi que leur taux de reproduction. D’autant plus que ces derniers ne connaissent pas les limites de propriété, des parcelles, ni des sociétés de chasse. Parmi ces signes avant-coureurs bien connus des professionnels :

  • abroutissement des jeunes pousses. C’est-à-dire que l’animal mange les bourgeons, les feuilles ou les aiguilles à portée de dents.
  • consommation des fruits forestiers comme les glands ou les faînes
  • écorçage (consommation des écorces)
  • frottis (frottement des bois contre l’écorce).
  • taux de consommation des essences forestières présentes.
  • présence de zones où la régénération naturelle est absente.
« On s’est tous mis autour de la table avec des objectifs communs. »
- Florian Lemaire
responsable travaux & Chasse à l’Agence ONF d’Alençon.

5 - Objectiver les données, établir des suivis scientifiques : la gestion adaptative

Le maître-mot pour rétablir l’équilibre forêt-gibier (et la grande difficulté) doit être : objectiver la donnée ! « Ces données récoltées sur le terrain ne mentent pas », a continué David Pierrard. Il existe des données sur la gestion forestière (fiches inventaires de dégâts, indice de consommation, plans de gestion, etc.) et des données scientifiques (analyses des prélèvements cynégétiques, indicateurs de changement écologique : suivis d’abondance et performances physiques des animaux…).

Belval.

C’est ce que les professionnels de la forêt appellent la gestion adaptative. Autrement dit, il faut objectiver la connaissance de la faune sauvage par des protocoles précis et scientifiques. Voici quelques indicateurs pour parvenir à cette gestion adaptative :

  • Suivi de la diversité des essences dans les semis.
  • Analyse des tableaux de chasse : pesée, taux de fertilité ou encore mesure de la longueur des os.
  • Suivre le bon renouvellement forestier.
  • Mise en place d’indicateurs de changement écologique validés par l’Office français de la biodiversité (OFB) : Indice nocturne, Indice Kilométrique pédestre, etc.
  • Méthode Brossier-Palu pour appréhender l’impact du gibier sur la flore forestière.
« Il faut travailler avec une trentaine de données issues des protocoles de gestion pour assurer un bon suivi. »
- David Pierrard
responsable de l'Ecole et du Domaine de Belval (Fondation François Sommer)

6 – Assurer ce suivi dans le temps

Quentin Hallet en comptage avifaune à Belval

Ce suivi doit s’inscrire dans la durée. Ce webinaire a permis de présenter le Domaine du Bois Landry, un espace naturel géré de manière exemplaire – 1200 hectares labellisés Territoires de Faune sauvage par l’OFB, la Fondation François Sommer et la Fédération Nationale des Chasseurs. Cette propriété privée mêle sylviculture durable, agriculture, chasse durable et accueil d’un public familial dans des cabanes dans les arbres… Les propriétaires tiennent un suivi rigoureux des populations de grands ongulés depuis 22 ans.

« La forêt ne se régénérait plus. Nous étions bloqués, obligés de protéger et de grillager chacune de nos plantations avec la nécessité d’agrainer et une chasse très chronophage », a témoigné Christophe Launay, cogestionnaire du Bois Landry avant de continuer « aujourd’hui, l’équilibre forêt-gibier est revenu, ainsi que la régénération naturelle ».

La richesse de ce territoire, c’est le suivi des données depuis plus de 22 ans. « Etudes, suivis, inventaires… Nous avons tissé des partenariats avec des chercheurs, la Fondation François Sommer et l’Ecole et Domaine de Belval », a-t-il témoigné lors du webinaire.

7 - Rendre la forêt plus nourricière pour les grands ongulés

Pour Christophe Launay, cogestionnaire du Bois Landry, « les forêts sont dotées de fortes capacités nourricières, mais trop inexploitées. » Comment les rendre plus accueillantes pour les animaux sauvages ? Il existe en effet une multitude de solutions pour détourner l’appétence des grands ongulés, loin des jeunes pousses, des semis, des champs agricoles et des plantations forestières.

« Quand on créé des allées forestières, des cloisonnements d’exploitation, des pare-feu, on jardine la forêt autour des zones de productions de bois afin que les animaux trouvent ce dont ils ont besoin, tant au niveau alimentaire que comportemental », a résumé Christophe Launay. Concrètement, il s’agit de créer des ouvertures dans les forêts. Ces espaces (cloisonnements, prairies…) sont favorables au retour des herbages, ronces et autres zones riches en aliments pour la faune sauvage. Ce qui est bien expliqué dans la vidéo ci-dessous.

8 - Réaliser le plan de chasse, principal outil pour revenir à l’équilibre

Pour ces spécialistes, pas d’équilibre forêt-gibier sans réalisation des plans de chasse. Obligatoires depuis 1978 et fixés par la préfecture après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage, ces plans attribuent notamment sur un territoire un quota d’espèces à prélever pour garantir une bonne gestion des équilibres naturels et pour l’agriculture et la sylviculture.

« La chasse a deux grands effets sur la faune sauvage. Un effet létal d’une part et de dérangement d’autre part », a résumé David Pierrard. En effet, le premier effet des plans de chasse est de réduire, ou limiter, l’accroissement des populations sauvages. Le second est d’éloigner les animaux des zones où ils ne doivent pas se nourrir.

Dans un massif, les zones peu chassées sont celles où les animaux se réfugient, créant ainsi un « effet réserve ». La pression cynégétique doit donc être régulière et ciblée là où l’on souhaite éviter, au maximum, la présence des grands ongulés.

« Main dans la main, les forestiers et les chasseurs doivent être des partenaires. Il faut renouveler la forêt et anticiper les besoins des animaux en travaillant les bords d’allées forestières. »
- Pierre Brossier
ingénieur environnement au CNPF.

9 – Traque-affût, formation… Vers une chasse encore plus sécurisée

Pour le Domaine du Bois Landry et l’Ecole et Domaine de Belval, les chasseurs doivent adopter des modes de chasse plus sécuritaires et efficaces. Dans l’Hexagone, la battue est largement pratiquée. Pourtant, il existe d’autres modes de chasse à développer. Par exemple, la traque-affût. Cette dernière consiste notamment à placer des chasseurs sur des miradors – en hauteur – à des distances très éloignées l’un de l’autre (réduction quasiment totale du risque de tir collatéral). Il est demandé aux chasseurs postés de tirer sur des animaux arrêtés ou au pas, ce qui permet à la fois une plus grande efficacité de tir, moins des balles tirées, donc moins de bruit et surtout beaucoup moins d’animaux blessés.

Enfin, la formation doit être assurée tout au long de la vie du chasseur. A l’instar de celles organisées par l’Ecole et Domaine de Belval : stages de vérification de son arme, entraînement au tir sécurisé ou connaissance de la faune sauvage. Infos ici.  

« La traque-affût garantit moins de 2 balles tirées par animal tué contre 7 en moyenne en battue. Elle est plus efficace et permet d’atteindre le plan de chasse plus rapidement. »
- David Pierrard
RESPONSABLE DE L'ECOLE ET DU DOMAINE DE BELVAL​

10 – S’informer, se former avec des outils gratuits

Il existe des outils mis à disposition par les partenaires de ce webinaire, en ligne ou en format papier. Leurs buts ?  Aider les propriétaires forestiers et gestionnaires d’espaces naturels à comprendre et rétablir l’équilibre forêt-gibier.

  • La plateforme nationale France Bois Forêt référence les parcelles en déséquilibre https://plateforme-nationale-foret-gibier.cartogip.fr/.
  • https://equilibre-foret-gibier.fr/ donne des informations pour agir sur le terrain. Ce site est une initiative de l’Association Nationale des Chasseurs de Grand Gibier (ANCGG), du CNPF et de la Fédération des Chasseurs des côtes d’Armor, soutenue par la Fondation François Sommer, Fransylva, France Bois Forêt ou encore Les honneurs de la chasse.
  • Se rendre dans les Fédérations Régionales des Chasseurs (FRC) et les Centres Régionaux de la Propriété Forestière (CRPF) pour obtenir brochures, explications et accompagnements.

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