Plus de 250 personnes ont assisté aux troisièmes Rencontres Homme-Nature de la Fondation François Sommer, « Protéger les oiseaux, d’hier à aujourd’hui », organisées dans le cadre du colloque Défendre la nature de 1923 à aujourd’hui par la Société nationale de protection de la nature (SNPN) et l’Association pour l’histoire de la protection de la nature et de l’environnement (AHPNE).
Les oiseaux font rêver. De tous les groupes d’animaux, ils figurent parmi les plus étudiés, scrutés, observés, et ça ne date pas d’hier. Dès le XIXème siècle, les naturalistes, ornithologues et amateurs européens se sont passionnés pour eux, comme l’atteste « la création de sociétés de protection des oiseaux qui rassemblent en Europe des dizaines de milliers de personnes », a rappelé d’emblée Valérie Chansigaud, historienne des sciences et de l’environnement à l’Université de Paris, lors de cette conférence.
« Aujourd’hui, les scientifiques dénombrent à l’échelon mondial près de 11 000 espèces d’oiseaux. Ce groupe d’espèces est vecteur d’émotions, bien plus que les insectes, les batraciens ou les poissons », a complété François Turrian, directeur adjoint de BirdLife Suisse. Les données scientifiques sur l’avifaune sont aujourd’hui nombreuses.
Au point qu’on sait qu’un oiseau sur huit est menacé d’extinction. En France, si les oiseaux inféodés aux milieux forestiers se portent plutôt mieux, les oiseaux des plaines agricoles subissent des pressions importantes. A titre d’exemple, deux alouettes sur trois ont disparu, des espèces comme les hirondelles ont perdu 40 % de leurs effectifs.
« C’est beaucoup et c’est à la fois moins que d’autres groupes d’animaux essentiels à la biodiversité comme les insectes », a expliqué Jean Jalbert, directeur général de la Tour du Valat. Pourquoi ? Une meilleure capacité d’adaptation des oiseaux face aux activités humaines (mobilité géographique) et une meilleure connaissance de l’avifaune dans le monde. Comment en sommes-nous arrivés là ?
1 – Le dodo : 1ère disparition causée par l’Homme, selon la Science
« Au XIXème siècle, nous avons fait, pour la 1ère fois, le constat dans l’histoire de l’humanité que le Dodo avait disparu du fait de l’Homme. C’est grâce aux progrès de la science, de l’exploration géographique et de l’inventaire du vivant », a expliqué l’historienne Valérie Chansigaud.
Au XVIIIe siècle déjà, cet oiseau vivant sur l’île Maurice n’était presque plus visible, mais les chercheurs de l’époque pensaient qu’il en existait ailleurs. La science a démontré par la suite sa disparition totale, faisant de lui un oiseau emblématique des conséquences des activités humaines sur la faune sauvage.
2 – Protéger les oiseaux : au XIXème, déjà des atteintes identifiées et bien documentées
- 1 – Les enfants qui dans leurs jeux de plein air s’amusaient à détruire les nids et tuer les oisillons.
- 2 – L’industrie de la mode, avec notamment le travail des modistes et des chapeliers à base de plumes. A noter : la quasi-disparition des aigrettes en Europe, utilisées pour leurs plumes dans les chapeaux.
- 3 – Les chasseurs, critiqués au travers d’un « un discours moralisateur visant à instaurer une chasse responsable », a précisé Valérie Chansigaud. A l’époque, la bonne chasse était celle faite par les puissants, tandis que la chasse nourricière et paysanne était vue comme « la mauvaise chasse».
3 – Bien avant les scientifiques, la société civile au secours de l’avifaune
Voici un fait historique étonnant. La société civile s’est en premier investie dans la protection des oiseaux avant même que les scientifiques ne s’emparent de la thématique au XXième siècle. « C’est elle qui a fait émerger la protection des oiseaux. L’ornithologie était assez prédatrice à l’époque. On tuait pour voir et étudier », a témoigné Valérie Chansigaud.
4 – Quelques causes du déclin des oiseaux
Pour les conférenciers, les causes sont multiples, mais la principale demeure bien connue en Europe : « L’intensification des pratiques agricoles est la première cause de déclin pour les espèces communes », a rappelé Pierre-Yves Henry, écologue au Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN).
« Dans les pays tropicaux, la déforestation pour accroître les surfaces agricoles est également la première cause de déclin et disparition d’espèces », a affirmé François Turrian de Birdlife. Sans oublier l’usage des pesticides. Dans les îles, les espèces endémiques sont très impactées par l’introduction, volontaires ou involontaires, d’espèces comme le chat ou d’autre espèces exotiques qui deviennent envahissantes.
5 – Comment mieux protéger les oiseaux aujourd’hui ?
De l’avis partagé par l’ensemble des conférenciers, le réseau d’aires protégées et de plans d’actions ciblant certaines espèces en danger d’extension ne suffisent plus : « Il faudrait réussir à changer intégralement le système. C’est-à-dire la société et ses modes de consommation ». C’est la difficile transition écologique.
« Nous devons révolutionner notre manière de gérer l’espace, retourner au bocage, revoir notre système agricole, ce qui relève de la décision politique », a continué Pierre-Yves Henry. Les modes de consommation doivent changer vers plus de sobriété et les consommateurs doivent apprendre à payer le vrai prix des denrées produites localement.
Parmi les exemples d’actions citées par les conférenciers : développer l’agriculture biologique, maintenir, voire réhabiliter les ilots de biodiversités au sein des espaces agricoles (maintien du bocage, des haies, des talus, des murets…), réussir à réduire la taille des parcelles et l’utilisation des produits phytosanitaires, etc.
Pour les quelques espèces chassées en fort déclin, « il faut pouvoir préserver une population minimale et cesser de la chasser, le temps que les populations se reconstituent », a-t-il expliqué en évoquant les suivis scientifiques des populations.
« Dans les pays tropicaux, la déforestation pour accroître les surfaces agricoles est également la première cause de déclin et disparition d’espèces », a affirmé François Turrian de Birdlife. Sans oublier l’usage des pesticides. Par contre, dans les îles, les espèces endémiques sont très impactées par l’introduction, volontaires ou involontaires, d’espèces comme le chat ou d’autre espèces exotiques qui deviennent envahissantes.
6 – Des exemples de protection réussis : le cas du flamant rose et des rapaces
« En 1923, durant le 1er congrès sur la protection de la nature, un vœu a été émis : protéger les flamants de Camargue, soit par l’interdiction de la chasse et des collections, soit par la création d’une réserve », a rappelé Jean Jalbert, directeur général de la tour du Valat. Ce n’est que bien plus tard, en 1962, que la chasse du flamant rose a été interdite. En 1981, l’espèce a été protégée. Des zones de protection strictes, comme la Tour du Valat, leur assurent des zones propices à la reproduction, loin des activités humaines.
Les rapaces – vautours, aigles… – sont de retour en France grâce à leur protection stricte. Par exemple, l’interdiction de destruction et de dérangement en période de reproduction, en complément d’opérations de réintroduction fructueuses pour certains vautours. Cependant, a nuancé Pierre-Yves Henry, « cette stratégie des réserves est très risquée. Les oiseaux sont mobiles et on ne peut pas tout miser sur ces zones de protection ».
7 – Amener le discours scientifique auprès des politiques… par tous les moyens !
Les scientifiques sont-ils assez écoutés ? De l’avis unanime des intervenants : non. A force d’être porteurs de mauvaises nouvelles, le discours des spécialistes heurte et effraie. « Pour parvenir à faire passer nos messages, il nous faut des porte-paroles, des artistes, de la médiation culturelle, faire évoluer notre manière de communiquer en tant que chercheurs », a énuméré François Turrian avant de souligner que « La Fondation François Sommer assume justement ce rôle singulier en mettant en relation entre artistes, politiques, scientifiques, acteurs de l’environnement… Il faut ouvrir et enrichir la palette d’actions ! »
Les chercheurs ont souligné le manque de volonté et/ou de pouvoir des gouvernements successifs, en France comme en Suisse. Ces derniers choisissent des politiques de court terme, privilégiant l’économie, et repoussant à plus tard les décisions environnementales pourtant inévitables.
Les rapaces – vautours, aigles… – sont de retour en France grâce à leur protection stricte. Par exemple, l’interdiction de destruction et de dérangement en période de reproduction, en complément d’opérations de réintroduction fructueuses pour certains vautours. Cependant, a nuancé Pierre-Yves Henry, « cette stratégie des réserves est très risquée. Les oiseaux sont mobiles et on ne peut pas tout miser sur ces zones de protection ».
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"Défendre la nature, de 1923 à aujourd’hui", un colloque d’envergure internationale
Cette table ronde « Protéger les oiseaux, d’hier à demain » s’inscrit dans la programmation du colloque « Défendre la nature, de 1923 à aujourd’hui », célébrant le centenaire du 1er Congrès international de protection de la nature à Paris en 1923. C’est organisé du 27 au 29 septembre 2023 par la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN), l’Association pour l’Histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement (AHPNE) et leurs partenaires dont le pôle Nature de la Fondation François Sommer. Au programme : plus de 30 rencontres-débats sur trois jours avec près de 70 intervenants, chercheurs, experts et historiens au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris, à l’Académie du Climat et… au Musée de la Chasse et de la Nature. Plus d’informations : https://buff.ly/44cwcoB !