CES ACTIONS DE TERRAIN QUI REDONNENT ESPOIR POUR CONSERVER LA FAUNE SAUVAGE AFRICAINE

La 5ème rencontre Homme-Nature a réuni mardi 6 février plus de 200 personnes en présentiel et en distanciel au musée de la Chasse et de la Nature à Paris. Objectif pour la Fondation François Sommer ? Faire découvrir le Parc national de Gilé, joyau de biodiversité qu’elle cogère avec le gouvernement mozambicain et écouter le débat entre 4 grands témoins de la conservation de la nature en Afrique.

Fondation François Sommer - Rencontres Hommes Nature 5 - Parc national de Gilé

Le vivant est en crise en France, en Europe et partout sur la planète. Pourtant, il nous est permis d’espérer. Au quotidien, des initiatives sont prises pour inverser la tendance. L’Afrique, continent réputé pour sa grande faune emblématique – éléphants, buffles, lions – présente un certain nombre de projets inspirants, encore trop méconnus du grand public. Cap sur l’un d’eux : le parc national de Gilé, au Mozambique.

Cogéré par la Fondation François Sommer et le gouvernement depuis 2007, ce parc s’étend sur 439 000 hectares (soit l’équivalent de la surface de la Haute-Savoie). « Il héberge près de 68 espèces de mammifères et près de 228 espèces d’oiseaux. Près de 30 000 personnes vivent en périphérie du parc et plus de 120 personnes y travaillent à temps plein pour protéger la faune sauvage et la flore », a rappelé Thomas Prin, responsable Afrique pour la Fondation François Sommer lors de cette 5ème rencontre Homme-Nature.

Après la projection du documentaire « Gilé, source de vie » réalisé pour Seasons (Canal+), une rencontre-débat a suivi, animée par Laurent Courbois, directeur du pôle Nature de la Fondation, avec des grands témoins de la conservation des aires protégées en Afrique :

  • Gilles Kleitz, directeur exécutif des solutions de développement durable à l’Agence Française de Développement (AFD).
  • Sébastien Pinchon, responsable des opérations de Parcs de l’ONG Noé.
  • Thomas Prin, responsable Afrique pour la Fondation François Sommer.
  • Xavier Rufray, directeur technique du service international au bureau d’études Biotope.

En replay, la rencontre Homme-Nature #5…

6 pistes de réflexion à retenir…

  • 1. Mieux protéger la faune sauvage africaine en associant les populations locales

Cette 5ème rencontre Homme-Nature a fait la part belle aux communautés locales. Concrètement, il s’agit d’impliquer les populations autour d’une aire protégée ou d’un projet environnemental. « C’est l’un des cinq piliers de la conservation en Afrique », a rappelé Sébastien Pinchon, responsable des opérations de l’ONG Parcs de Noé. L’installation d’un climat de confiance entre les gestionnaires d’aire protégée et la population s’acquiert petit à petit, jour après jour, sur le long terme.

Comment s’organiser ? Avec quelles infrastructures ? Quels moyens de communication ? Quels outils de suivi et de sensibilisation? Les professionnels ont été unanimes lors de cette rencontre : inclure les habitants vivant près d’une aire protégée doit être au cœur de la gestion. L’acceptation sociale est une condition sine qua non de la conservation de la nature, en Europe comme en Afrique. En ce sens, les ONG ou Fondations peuvent jouer un rôle essentiel.

  • 2. L’exemple du programme « Produits forestiers non ligneux » à Gilé

Il en a été beaucoup question lors de cette conférence : le programme « Produits forestiers non ligneux », cofinancé par l’AFD, permet depuis 6 ans de développer trois filières économiques – miel, escargot et champignon – avec les habitants autour du Parc national. Cette activité économique durable est devenue essentielle pour de nombreuses familles : nouveaux revenus, amélioration de la sécurité alimentaire… Ce modèle vertueux renforce par ailleurs les connaissances naturalistes autour des champignons et des habitats.

Pourquoi la Fondation François Sommer se mobilise pour la faune sauvage en Afrique ?

François et Jacqueline Sommer se passionnaient par l’Afrique. En précurseurs, ils ont agi dès 1951 en faveur de la création de la réserve de Manda (100 000 ha) au Tchad, devenu un Parc national en 1965. Dans le respect de l’héritage de ses fondateurs, la Fondation François Sommer cogère aujourd’hui le Parc national de Gilé avec le gouvernement mozambicain.  Au travers de son appel à projets en 2023 (500 000€ alloués), elle soutient aussi des projets en Afrique, en particulier sur la coexistence entre les activités humaines et la faune sauvage.

  • 3. Sensibiliser dès l’école et la piste d’un tourisme vert

Le Parc national de Gilé a mis en place des clubs de l’environnement avec les écoles de la zone tampon ou encore des clubs d’échecs pour jeunes filles. D’autres projets sont à l’étude : cours avec des professeurs sur les sciences naturelles et sur la conservation, formations aux bases d’un tourisme durable avec des professionnels, créations de lodges…

  • 4. Biodiversité : à l’échelle de l’Afrique, une situation contrastée

Même si les contextes sont radicalement différents d’un pays à l’autre, l’Afrique peut donner de nombreux exemples inspirants. On observe une certaine « frugalité » de moyens par rapport aux bons résultats obtenus en matière conservatoire et de gestion des conflits Homme/faune sauvage. Par exemple à Gilé avec l’utilisation de réseaux de ruches pour prévenir l’intrusion d’éléphants dans les cultures.

Le débat s’est peu à peu ouvert pour sortir du Mozambique. Le continent africain compte environ 8 000 aires protégées, dont un millier ont une surface de plus de 50 000 ha. Quel bilan tirer de cette gestion des aires protégées ? En résumé, les pressions sur les ressources naturelles sont considérables et certains projets d’extractions minières inquiètent.

Pour autant, il reste des oasis de biodiversité. « Dans environ 1/3 des cas, les gestionnaires d’aires protégées arrivent, via des actions conservatoires ciblées, à obtenir des résultats satisfaisants », a rappelé Gilles Kleitz, directeur exécutif des solutions de développement durable à l’AFD. Deux idées-clés ressortent aussi :

  1. En matière d’aires protégées, il faut privilégier les actions concrètes sur les zones les plus prometteuses, afin d’obtenir les meilleurs résultats. Exemple : par sa situation isolée, la gestion conservatoire de Gilé donne d’excellents résultats sur la faune sauvage.
  2. Les efforts de surveillance avec des rangers ou encore les translocations de mammifères (réintroduction d’animaux) permettent de redresser des situations en l’espace de 10-15 ans, à l’instar de la réhabilitation des parcs nationaux au Kenya.

Comme en France, il ne faut pas oublier le fort potentiel de biodiversité en dehors des zones protégées : s’appuyer sur les initiatives de la société civile, maintenir des corridors écologiques, compensation écologique des entreprises…  « Environ la moitié des chimpanzés vit en dehors des aires protégées en Guinée », a affirmé Xavier Rufray, directeur technique du service international au bureau d’études Biotope.

  • 5. Plus de fonds privés, mais pas assez d’efforts au niveau mondial

La survie de l’humanité dépend de la bonne santé des écosystèmes. Les services rendus par ces derniers sont considérables. On peut même les estimer : tous les ans, le plancton contribue pour plus de 187 milliards d’euros à la richesse mondiale et les abeilles pour plus de 143 milliards, selon l’indice créé par BBC Earth. Pourtant, en proportion, encore peu des flux financiers sont dirigés vers la conservation du vivant. « Moins de 0,01% du PIB mondial. De fait, nous n’entretenons pas notre maison », a rappelé Gilles Kleitz de l’AFD.

On estime à environ un milliard d’euros les financements philanthropiques américains en matière de conservation de la nature dans le monde. L’émergence de ces fonds privés est de plus en plus visible en Afrique, mais aussi en Europe. Cela  change la donne et permets aux Etats d’avoir davantage de moyens dans la protection et valorisation de la biodiversité.  

Aussi, émerge un nouveau modèle importé d’Afrique australe : le gouvernement concède la gestion d’une aire protégée par contrat à une ONG sur le long terme, qui travaille avec les autorités locales et l’administration. Au jour le jour, elle s’occupe de la recherche de fonds publics et privés pour financer l’espace naturel et la surveillance et met en œuvre des actions de gestion. Finalement, elle rend des comptes au gouvernement. 

  • 6. 30% d’aires protégées en Afrique demain ?

Désormais, les scientifiques n’hésitent plus à évoquer les termes de sixième extinction de masse ou d’effondrement des espèces. Certains évoquent même « le concept d’extermination de la nature », a souligné Sébastien Pinchon des Parcs de Noé.  Se donner plus de moyens pour mettre un terme à cette destruction et s’engager à protéger 30 % de la planète d’ici à 2030, c’est le cap que se sont fixés 196 pays le 19 décembre 2022 à Montréal lors de la Conférences des parties à la Convention sur la Diversité Biologique, dite « COP15 » 

Selon l’UICN, 14% du territoire en Afrique est recouvert d’aires protégées aujourd’hui : parcs nationaux, réserves… Il faut maintenir cet existant et développer ce projet politique d’envergure planétaire. Comment faire ? Selon les participants à la table ronde, remettre en question notre relation au vivant, changer nos modes de consommation, de production, de déplacement… Sans oublier d’être créatif pour réconcilier l’Homme avec la Nature. Le Parc national de Gilé en donne un exemple stimulant. 

« Gilé, source de vie », un documentaire de la chaîne Saisons (Canal+)

Du 26 août au 11 septembre 2023, le réalisateur Xavier Gasselin et son équipe ont suivi les équipes du Parc national de Gilé dans leurs missions ou encore les habitants des communautés locales. Leur documentaire (52 minutes), produit par Wapiti production, est à découvrir sur la chaîne Seasons (Canal+).

Et aussi :

Partager