Appel à projets 2019 – Programme prédateur proies lynx

Contexte

Après avoir disparu du territoire français, le lynx boréal a fait son retour en France dans les années 1990 à la suite de réintroductions en Suisse. C’est aujourd’hui une espèce protégée dont l’aire de présence française est à 80 % située dans le massif jurassien ce qui lui confère un fort enjeu de conservation.

Le régime alimentaire de ce félin est composé jusqu’à 80 % de chevreuils et de chamois. Ces petits ongulés sont également soumis à des plans de chasse et à une activité cynégétique fortement ancrée localement. Ainsi, ces doubles prélèvements peuvent ponctuellement être à l’origine d’une perception de concurrence de la part de la communauté cynégétique et indirectement d’une mauvaise acceptation de l’espèce.

De plus, ces plans de chasse sont fixés dans le but d’assurer la viabilité des populations de chevreuils et de chamois, tout en garantissant l’équilibre ongulés-environnement. Les effets cumulés de la chasse et de la prédation du lynx boréal semblent donc être des facteurs indispensables à intégrer, bien qu’ils soient assez peu connus par la communauté scientifique.

Dans ce contexte, les Fédérations Départementales de Chasseurs du Jura, de l’Ain et de la Haute-Savoie, l’Office Français de la Biodiversité (ex : Office national de la chasse et de la faune sauvage-ONCFS) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont initié en 2017 le Programme Prédateur Proies Lynx (PPP Lynx).

Ce programme de recherche, qui se déroule sur trois sites d’études du massif jurassien, a pour vocation sur 10 ans d’améliorer les connaissances des effets cumulés de la chasse et de la prédation par le lynx boréal sur les mêmes populations de chevreuils et de chamois, ce dans un contexte de conservation du félin. Les connaissances acquises ont pour objectif de gérer plus durablement les populations de chevreuils et de chamois et d’améliorer la coexistence entre la chasse et la conservation du lynx.

La Fondation François Sommer, dans le contexte de son appel à projets sur les conflits Homme-Faune sauvage, apporte un soutien financier pour la réalisation d’une thèse se déroulant de 2020 à 2023 correspondant au projet n°1 du PPP Lynx. Cette thèse, conduite par Louise MONIN, offre une occasion unique en Europe d’acquérir des connaissances nouvelles sur les enjeux sociaux associés à la conservation du lynx et de ses proies.

Objectifs

Le programme PPP Lynx a sur le long terme pour objectif d’étudier les effets cumulatifs des activités cynégétiques locales et de la prédation du Lynx boréal sur le fonctionnement et les effectifs des populations de proies jurassiennes (chevreuils et chamois) ainsi que d’adapter la gestion par la chasse des populations de chevreuils et de chamois dans le but d’atteindre un équilibre ongulé – environnement.

Jusqu’à ce jour, peu d’études ont tenu compte des aspects dynamiques des relations entre humains et animaux en intégrant l’influence de l’écologie et du comportement animal sur ces relations. Elles ont ainsi souvent conclu que les conflits entre humains et prédateurs étaient le résultat de perceptions locales erronées issues des temps passés.

En se détachant d’une entrée focalisée exclusivement sur les conflits et la conservation qui pourrait amener un certain nombre de biais, La thèse de Louise Monin s’intéresse aux interactions directes et indirectes entre humains et lynx, en tenant compte des espèces médiatrices, herbivores, que sont les chamois et les chevreuils, mais aussi d’autres espèces sauvages ou domestiques. Toutes ces interactions écologiques font l’objet de constructions et de théories locales sans doute différentes selon les connaissances et les sensibilités des différents groupes d’acteurs. L’ensemble de ces interactions est intégré dans le contexte socio écologique en tenant compte d’une part des relations sociales entre les différents acteurs considérés et d’autre part de la place de chaque espèce au sein de son écosystème. Cette étape du projet soutenue par la Fondation vise de ce fait à non seulement améliorer les connaissances sociologiques sur ce type de situation mais également de favoriser la sensibilisation et la vulgarisation de ces connaissances auprès des acteurs locaux.

Le projet

Une combinaison de méthodes seront utilisées au cours de la thèse telles que des méthodes qualitatives de l’enquête ethnographique et des méthodes quantitatives issues de la sociologie environnementale et de la psychologie environnementale.

Les objectifs spécifiques de la thèse sont

  • Parallèlement aux autres projets du PPP Lynx (plus relatifs à l’écologie), mieux comprendre les enjeux liés à la conservation du lynx, aux pratiques cynégétiques et aux autres pratiques en lien avec les ressources naturelles, qu’elles soient utilitaires ou non ;
  • Déterminer si les chasseurs perçoivent une modification des interactions entre chasseurs et ongulés suite au retour du lynx et s’ils ont adaptées leurs pratiques à cette modification. Il est probable que l’activité de chasse et la relation particulière des chasseurs avec les ongulés conduisent à l’émergence de perceptions vis-à-vis du lynx caractéristique des chasseurs, perceptions qui peuvent être modulées par les potentielles interactions directes ou indirectes avec les lynx ;
  • Faire ressortir les différents enjeux et contextes au sein desquels s’inscrit la relation entre lynx, ongulés sauvages et domestiques, et activités cynégétiques. Ces enjeux s’articulant sur différentes échelles et prennent place dans un contexte de réflexion globale sur la place du sauvage dans nos sociétés, le questionnement des activités cynégétiques ou d’élevage et de la mise à mort animale, ainsi que les questions liées aux habitats protégés et à l’évolution de la place des activités humaines dans l’environnement ;
  • Sur la base des résultats de la thèse développer des outils de communication, de médiation et de vulgarisation des résultats du PPP Lynx afin de faciliter la coexistence entre la conservation du lynx boréal, la chasse et les autres acteurs du territoire.

Structure porteuse et partenaires

Ce projet est porté par la Fédération départementale du Jura en partenariat notamment avec les fédérations départementales de l’Ain et de Haute-Savoie, l’Office Français de la Biodiversité, le CNRS (Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive), l’Université de Nanterre, la DREAL Bourgogne-Franche-Comté, le Conseil Régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, les Conseils départementaux du Jura et de l’Ain, l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie.

PARTENAIRES