Contexte
A Mayotte, où l’agriculture est caractérisée par des enjeux socio-économiques forts, la faune sauvage protégée par les conventions internationales joue, selon les cultivateurs, un rôle perturbateur croissant. Les exploitations sont de petites tailles, très nombreuses et elles produisent des ressources essentiellement vivrières qui assurent la sécurité alimentaire des familles. Mais l’accroissement rapide de la population humaine associé à la déforestation et à la fragmentation des milieux forestiers intensifie les interactions avec la faune sauvage, notamment avec les espèces frugivores. Cette concurrence est particulièrement marquée concernant le lémur brun de Mayotte (Eulemur fulvus), primate frugivore protégé et emblématique de la conservation de la biodiversité sur l’île, dont la flexibilité écologique est notable.
Suite à l’apparition de ces interactions conflictuelles entre le lémur brun et les cultivateurs, ce projet souhaite accroître les connaissances sur ce type de situation et proposer des solutions en partenariat avec les institutions locales qui permettront sur le long terme d’assurer la conservation de l’espèce dans le respect des impératifs agroalimentaires de la population.
Objectifs
Ce projet interdisciplinaire a pour objectif de documenter l’interaction agriculteurs-lémuriens à partir de données ethnologiques, faunistiques et écologiques, dans la perspective d’une remédiation impliquant un ensemble d’acteurs locaux, institutionnels et non institutionnels. Il vise principalement à acquérir trois grands types de connaissances :
- Déterminer les caractéristiques éco-éthologiques et physiologiques (alimentation et besoins énergétiques) du lémurien de Mayotte de même que les dynamiques démographiques (densité de population, composition des groupes, survie à un an) de cette espèce ;
- Evaluer les dégâts causés localement aux cultures vivrières par ce primate frugivore en lisière des réserves forestières ;
- Dégager les ancrages culturels à partir desquels les institutions locales peuvent articuler des actions de préservation de l’espèce dans le respect des pratiques agricoles.
Une fois ces connaissances acquises, le projet se concentrera sur la sensibilisation et la vulgarisation des informations ainsi récoltées afin d’améliorer l’image du lémur brun auprès des cultivateurs et favoriser le développement de solutions locales quant aux impératifs énergétiques de l’espèce. Les résultats du projet produiront également une aide à la décision institutionnelle de remédiation à l’insécurité alimentaire des petits cultivateurs et de maintien de la biodiversité.
Le projet
Le projet fait intervenir des ethno-écologues, des spécialistes des formations végétales tropicales (de l’archipel des Comores et de Madagascar en particulier), et des spécialistes de biologie et écologie animale, primates en particulier. L’interdisciplinarité est intrinsèque à ce projet, à travers l’étude des interactions entre le cycle biologique des lémuriens, les cycles des végétaux cultivés et non cultivés (protégés ou non), et les activités humaines relevant de la conservation biologique et de la sécurité alimentaire. Pendant la réalisation de ce projet, les dynamiques démographiques du lémurien de Mayotte de même que les caractéristiques éco-éthologiques et physiologiques de cette espèce à partir d’approches observationnelles et éco-physiologiques éprouvées seront progressivement étudiées. Les niveaux de prélèvement des ressources fruitières cultivées et plantées dans les polycultures de l’agroforesterie mahoraise seront analysés à différentes saisons. A ces recherches, seront associées des études végétales sur les forêts limitrophes et l’écotone forêts/agro forêts, c’est-à-dire composant les domaines vitaux des lémurs, ainsi que des travaux sur les représentations du lémurien brun chez les mahorais adultes, cultivateurs et non cultivateurs. Les approches en ethnobiologie viseront en particulier à évaluer les changements de perception de l’animal depuis les travaux menés dans les années 2000-2003 (programme Ecosystèmes Tropicaux ECOFOR porté par le Museum) et l’intégration actuelle de ce primate dans le système de représentation et d’usages de la nature des populations mahoraises et des autres acteurs, institutionnels et non institutionnels
Structure porteuse et partenaires
Ce projet porté le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) est mis en œuvre par l’unité mixte de recherche «Eco-Anthropologie», UMR 7206 sous tutelle du MNHN, du CNRS et de l’Université Paris en partenariat notamment avec l’Université de la Réunion, le Conseil Départemental de Mayotte et l’Office National des Forêts