Contexte
Dans le contexte de la 6ème extinction de masse, où les ressources humaines et financières sont limitées, l’un des enjeux majeurs est de récolter un maximum d’information sur les statuts de conservation des espèces pour aider à classer les priorités en matière de conservation.
Malgré ça il n’existe pas encore de statut de conservation ni d’estimation de la probabilité d’extinction pour la plupart des espèces connues. La liste rouge de l’UICN est la compilation la plus complète des statuts de conservation des espèces, et met en exergue notamment celles menacées d’extinction, voire déjà éteintes. Cependant, seuls 3.5% des espèces connues avaient un statut de conservation « informatif » dans la liste rouge en 2016. Les 96.5% restants, en particulier les invertébrés, ne possède aucun statut ou sont classés comme “data-deficient”.
La raison de ce manque de donnée s’explique par l’absence d’une mesure quantitative robuste qui permettrait d’estimer le risque d’extinction de la majorité des espèces connues. Il existe pourtant des sources d’information exploitables pour de nombreuses espèces : dates d’observation dans les collections des muséums d’histoire naturelle ou dans la littérature, données d’occurrences (abondances locales d’espèces au cours du temps) et données génomiques partielles ou complètes (génomes complets). Ce projet souhaite donc s’appliquer à la création d’une nouvelle méthode/mesure quantitative plus globale et scientifiquement rigoureuse.
Objectifs
Ce projet a pour objectif premier de quantifier le statut de conservation de plusieurs espèces et fournir une image précise de la 6ème crise d’extinction afin de pouvoir hiérarchiser les priorités de conservation et de rendre plus efficace les politiques de conservation. Ainsi, l’objectif est de créer une méthode automatique, robuste, rapide et à faible coût permettant de proposer un statut de conservation à partir des données d’occurrences et/ou de séquences de génomes et d’approfondir les connaissances sur les tendances démographiques récentes des espèces choisies et offrir une plateforme web dédiée à tous les acteurs de la conservation.
Plus précisément le projet a pour but de développer un unique cadre statistique permettant la vérification automatique et systématique du potentiel déclin des espèces selon la période étudiée. Cette méthode intègrera deux types de données : les données d’occurrence et les données de séquençage de génomes pour rendre les prédictions plus robustes et précises sur le long terme.
L’objectif secondaire du projet est de mettre les méthodes et résultats ainsi obtenus à disposition de la communauté scientifique et du grand public à travers l’utilisation d’une plateforme publique : the Redcode of Life. Ce portail servira non seulement de support aux méthodes scientifiques, (pour qu’elles soient disponibles à tous les chercheurs désireux d’obtenir des inférences statistiques sur des données nouvellement générées,) mais également au grand public et aux décideurs des informations importantes pouvant guider les politiques de conservation.
Le projet
Le projet a été divisé en trois actions principales :
1) DEVELOPPEMENT DES MODELES ET DES METHODES STATISTIQUES
Les théoriciens du consortium scientifique mettront en place un modèle mathématique qui caractérisera l’effet d’une étude démographique actuelle sur les données d’occurrences et les données génomiques. Pour ce faire il s’agit de traiter chacun des deux types de données séparément pour les intégrer dans un unique modèle statistique précis et fiable sur le long terme.
Puis l’automatisation des méthodes et leur mise à disposition à travers la plateforme Redcode of Life se fera grâce à l’aide des bioinformaticiens. Les taxonomistes et écologues auront la charge de vérifier la pertinence des prédictions théoriques, permettant ainsi d’améliorer le cadre statistique et la méthode d’inférence.
2) GENERATION ET ANALYSE DES DONNEES
Pour tester les modèles et les méthodes utilisées, le projet se servira de taxons d’espèces pour lesquels la tendance démographique est bien documentée par des programmes de suivi à long terme (oiseaux, grands singes notamment) et d’autres sources d’information (par exemple les avis d’experts pour certains pollinisateurs), ainsi que des taxons pour lesquels la tendance démographique n’est pas encore évaluée. Cette étape du projet est cruciale puisqu’elle permettra le développement de méthodes d’inférence fiables et robustes grâce à un aller-retour constant entre les modélisateurs et les naturalistes du consortium scientifique. Les espèces présentant des tendances démographiques connues seront également utilisées comme contrôles positifs et négatifs pour développer des modèles statistiques les plus fiables possibles.
3) LA PLATEFORME REDCODE OF LIFE
Toutes les méthodes et les résultats du projet seront disponibles sur une plateforme web dédiée : Redcode of Life. A partir de cette plateforme, les utilisateurs pourront d’une part analyser leurs données ou télécharger les programmes informatiques utilisées par le projet, mais aussi consulter les statuts de conservation des espèces dont l’analyse aura été effectuée. A long terme, cette approche proposera une vision de la crise de la biodiversité complémentaire de celle apportée par la liste rouge de l’UICN. La plateforme sera hébergée sur un serveur du Muséum d’histoire naturelle et sera accessible publiquement à partir du portail web du musée. Tout cela dans un but d’amélioration et de partage des données et analyses scientifiques nécessaires à la compréhension des enjeux de l’érosion de la biodiversité.
Structure porteuse et partenaires
Ce projet est porté par l’Institut de Systématique, d’Evolution et de Biodiversité (UMR 7205) et le Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation (UMR 7204) du MNHN en partenariat avec le Centre interdisciplinaire de Recherche en Biologie (Collège de France).