En décembre 2024, Ecology Letters, prestigieuse revue internationale en écologie, a publié les résultats de travaux de recherche conduits par Jessica Cachelou, doctorante au Laboratoire de Biométrie et de Biologie évolutive de Lyon. Sa thèse, financée par la Fondation François Sommer et soutenue par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et l’Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT), révèle une nouvelle fonction mathématique permettant de mieux estimer les dynamiques de reproduction des espèces sauvages.

« Une fonction robuste et polyvalente pour les modèles de reproduction à deux sexes des populations s’adaptant à tous les systèmes d’accouplement »[1] : c’est ainsi qu’Ecology Letters définit cette nouvelle fonction mathématique développée par Jessica Cachelou et Christophe Coste, mathématicien et co-auteur de l’article.

Le côté novateur ? Jusqu’à aujourd’hui, les mâles n’étaient que très rarement inclus dans les approches démographiques. Avec Minharmonic, on peut désormais mieux estimer la reproduction des animaux sauvages au cours du temps en considérant les deux sexes et, par la suite, mieux estimer la croissance, le déclin ou encore la stabilité des effectifs de la population.
« Minharmonic permet d’être au plus proche de la réalité en intégrant les aspects biologiques de chaque espèce », résume Jessica Cachelou. On évite ainsi la surestimation ou la sous-estimation des effectifs dans les populations animales, résultant de modèles mathématiques existants.
Autrement dit, cette découverte tente de résoudre une importante problématique pour les écologues : estimer et calculer au plus près le taux de croissance de la population, en prenant en compte tous les individus et donc le nombre réel d’accouplements entre un mâle et une femelle d’une espèce. C’est aujourd’hui une des grandes difficultés pour les gestionnaires d’espaces naturels.

Cette fonction s’applique ainsi aux quatre systèmes d’accouplements connus dans la nature : la monogamie (un mâle – une femelle, par exemple le cygne), la polygynie (un mâle – plusieurs femelles, par exemple le cerf), la polyandrie (une femelle – plusieurs mâles) et enfin la promiscuité (plusieurs mâles s’accouplent avec plusieurs femelles pour survivre).
Cette avancée reste cruciale dans le contexte actuel des changements globaux, où les espèces peuvent adapter leur façon de s’accoupler. C’est notamment le cas du sanglier, qui peut passer d’un système polygyne à un système de promiscuité sous de fortes pressions de chasse.
( [1] – A robust and versatile mating function for two-sex population projection models fitting all types of mating systems, Ecology Letters, December 2024. Cachelou, J., Coste, C., Gaillard, J.-M., Chassagneux, A., Richard, E., Baubet, E. and Gamelon, M. (2024), A Robust and Versatile Mating Function for Two-Sex Population Projection Models Fitting all Types of Mating Systems. Ecology Letters, 27: e70013.
Le cas du sanglier, cet animal si robuste et endurant

Les chercheurs ont notamment appliqué Minharmonic au cas du sanglier. Ils ont analysé, à l’aune de cette fonction, les données collectées sur l’un des sites de référence du sanglier en France : Châteauvillain-Arc-en-Barrois, un espace naturel ouvert de 11 000 hectares au cœur du Parc national de forêt. L’OFB et le CNRS y assurent les suivis scientifiques sur plus de 4000 individus depuis 1984.
Parmi les données utilisées : le poids des sangliers, leur mortalité naturelle, ainsi que l’examen des appareils génitaux des femelles pour connaître leur statut reproducteur, la taille des portées… Ce qui a permis de modéliser, pour ce site naturel, des projections de la population des sangliers sur les 20 prochaines années, en prenant en compte différentes variables comme le système d’accouplement, la pression de chasse, le taux de reproduction… Avec brio, la fonction confirme les études démontrées ces dernières années sur le sanglier.
La Fondation François Sommer
La reconnexion entre l’Homme et la Nature est un enjeu majeur des prochaines décennies. Forte de son positionnement singulier, au carrefour des sciences du vivant, de l’art et de la gestion de territoires, forte également d’une indépendance institutionnelle et intellectuelle depuis sa création en 1964, la Fondation François Sommer contribue depuis soixante ans à l’émergence de solutions concrètes en faveur de la protection de la faune sauvage et de ses habitats. Elle déploie ses activités autour de cinq axes interconnectés : la culture et l’art pour émouvoir, sensibiliser et interroger ; la gestion d’espaces naturels pour observer, expérimenter et agir ; la démarche scientifique pour comprendre, savoir et diffuser, par la formation et la recherche ; le mécénat pour soutenir, encourager et innover ; Des conférences et publications pour dialoguer, partager et co-construire.